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Conférence de Pierrick Penven – Les courants de bord ouest et les tourbillons du canal du Mozambique

21 avril 2022, N/O Marion Dufresne, au large de l’île de La Réunion

Auteurs: Luis Chomienne et Manon Gibaud


Pierrick Penven est un chercheur en océanographie physique à l’Institut de Recherche et Développement en France. Pendant son séminaire il nous a présenté les effets des courants de bord ouest (nommés WBC d’après l’anglais “Western Boundary Currents”). Les WBC sont des courants sur les bordures ouest des gyres océaniques (les grandes circulations des basins océaniques) en marge des plateaux continentaux et sont caractérisés par des courants étroits, rapides et chauds qui se dirigent vers les pôles. Il existe 5 grands WBC : le courant du Golfe, le courant du Brésil, le courant est-australian, le courant de Kuroshio et le courant des Aiguilles. Il existe de nombreux autres WBC plus petits, dont le courant du canal du Mozambique et le courant de l’est de Madagascar (figure 1).

Figure 1: Les 5 majeurs courants de bord ouest: la clôture des gyres subtropicaux. 

Les WBC ont des effets directs sur le climat et sur la vie marine. Ce sont des points chauds d’absorption de dioxyde de carbone, le CO2, et de perte de chaleur de l’océan vers l’atmosphère. En transportant des eaux chaudes vers les hautes latitudes, ils induisent des climats plus chauds et humides, associés à des pluies et des vents intenses. De multiples structures de courants circulaires, appelées tourbillons, se forment dans la partie nord du canal du Mozambique (figure 2). Il s’agit notamment de tourbillons anticycloniques qui tournent dans le sens inverse des aiguilles d’une montre. Ces structures peuvent avoir un diamètre supérieur à 200 km et atteindre 2 km de profondeur, avec des vitesses de courants importantes, de 1 à 2 mètres par seconde (c’est beaucoup dans l’océan !). Les tourbillons sont importants pour la vie marine, entre autres parce qu’ils induisent des mouvements verticaux dans l’océan. Les tourbillons peuvent en effet induire des upwellings (flux d’eau montant) ou des downwellings (flux d’eau allant vers des couches d’eau plus profondes), selon leur origine et leur forme. Les tourbillons formés dans le canal du Mozambique se déplacent vers le sud jusqu’au courant des Aiguilles, où ils « meurent ». Il existe des nombreuses interactions entre la topographie,et les masses d’eaux de températures et salinités différentes peuvent créer des instabilités dans la colonne d’eau.

Figure 2:  Illustration des tourbillons anticycloniques qui se
forment dans le canal du Mozambique (Lutjeharms, 2006).

Pierrick et son équipe utilisent des données satellitaires en temps quasi-réel pour localiser les tourbillons, qui se déplacent et changent continuellement, et définir où échantillonner exactement (dans ce processus, ils ont besoin de beaucoup de WiFi). Ces tourbillons peuvent être détectés à partir de différentes images satellites : altimétrie, salinité, ou concentration en chlorophylle qui nous permet d’observer le phytoplancton vivant, les micro-algues à la base du réseau alimentaire. Cependant, les données satellites de chlorophylle sont limitées par la couverture nuageuse. Par conséquent, si le temps est nuageux (ce qui est souvent le cas en raison du climat tropical), l’équipe de Pierrick ne peut pas disposer de ces précieuses informations. Pierrick et son équipe utilisent également des modèles pour prévoir la position des tourbillons dans les jours à venir et mieux planifier nos stations d’échantillonnage. Les modèles discrétisent l’espace pour résoudre des équations très complexes dans une sorte de zone matricielle. Grâce à ces analyses, ils évaluent la vorticité et détectent les tourbillons qui peuvent avoir des rotations cycloniques ou anticycloniques.

Pendant la campagne RESILIENCE sur le Marion Dufresne, nous ferons le premier « leg » (notre premier marathon d’échantillonnage) sur un tourbillon dans le canal du Mozambique (figure 3). Ce tourbillon est situé près de la côte du Mozambique, et entraîne donc une partie de la chlorophylle de de la côte vers le large. Après ce Leg 1 sur le tourbillon, nous poursuivront notre route jusqu’au la côte sud-africaine pour échantillonner la genèse d’un WBC : le courant des Aiguilles (leg 2). Enfin, nous naviguerons vers le sud pour échantillonner un tourbillon semi-permanent contraint par la bathymétrie au large de Durban (Afrique du Sud) pour notre dernier leg de la mission.

Figure 3: Images satellites du tourbillon que nous voulons échantillonner dans le premier leg. Les couleurs indiquent la concentration en chlorophylle-a et les lignes, la hauteur du niveau de la mer (en cm), toutes les deux mésurées par satellite le 22 avril 2022. Les lignes violettes montrent les zones économiques exclusives de Madagascar et du Mozambique et délimitent la zone que nous sommes autorisés à échantillonner.

Bibliographie :

Lutjeharms, J.R.E, 2006. The coastal oceans of south-eastern Africa. In: Robinson, A. R., Brink, K.H (Eds.), The sea, vol 14B. JohnWiley, NewYork, pp. 783-834

Rio, M. H., Mulet, S., & Picot, N. (2013, September). New global Mean Dynamic Topography from a GOCE geoid model, altimeter measurements and oceanographic in-situ data. In Proceedings of the ESA living planet symposium, Edinburgh.

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