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Conférence de Jordan Toullec – Pompe biologique du carbone pendant le bloom phytoplanctonique en bordure de glace de mer

11 mai 2022, N/O Marion Dufresne, au large de l’Afrique du Sud

Auteurs :


Jordan Toullec est un ATER (attaché d’enseignement de recherche) au Laboratoire d’Océanologie et de Géosciences (LOG) à Wimereux, et travaille sur l’influence du plancton sur la pompe biologique du carbone. Sa thèse a porté sur la pompe biologique du carbone pendant le bloom phytoplanctonique aux abords de la glace de mer en Arctique (Baie de Baffin) ainsi que sur les interactions copépodes/diatomées et l’export de particules (neige marine et pelotes fécales) associés à ceux-ci.

La pompe biologique, illustrée dans la figure ci-dessous, est un processus d’export de carbone vers les eaux profondes ou dans les sédiments. Le dioxyde de carbone (CO2) fixé par le phytoplancton est transféré dans les différents compartiments trophiques (zooplancton et poissons). Les détritus comme les pelotes fécales et agrégats vont sédimenter dans la colonne d’eau. Paradoxalement, ces détritus sont le centre de l’étude de Jordan, alors que d’autres se focalisent sur les organismes eux-mêmes. Ces détritus peuvent contenir des cellules vivantes qui deviennent alors une source d’alimentation pour les organismes mésopélagiques plus en profondeur. Les detritus contiennent également des biominéraux (opale et calcite), il s’agit des coquilles siliceuses et calcaires produites par certains organismes phytoplanctoniques et qui se retrouvent ainsi exportés vers les profondeurs par un flux vertical de particules. En plus de cela, la pompe biologique du carbone est modulée par le zooplancton qui effectue des migrations nycthémérales (migrations journalières des profondeurs vers la surface et inversement) et amène ainsi les détritus ainsi que le CO2 grâce à la respiration directement en profondeur.


Figure 1 : Schéma de la pompe biologique du carbone.

Les données utilisées pendant les recherches de Jordan ont étés récoltés lors de la campagne océanographique Green Edge en Baie de Baffin. De part ces hautes latitudes, l’Arctique est un cas d’étude particulier. En effet, le bloom phytoplanctonique est fortement conditionné par l’intensité lumineuse, rendant ainsi les blooms intenses mais courts. Lorsque la lumière traverse la glace, les algues de glace prolifèrent donnant lieu à un bloom à la fois sous la glace et à l’intérieur de la glace (figure de gauche ci-dessous). Puis, lorsque la surface de glace de mer fond, le phytoplancton de glace sédimente.

A la suite du bloom de glace, se produit un bloom phytoplanctonique pélagique, dans lequel nous pouvons retrouver des diatomées caractéristiques (telles le Chaetoceros spp illustré dans la photo de droite ci-dessus). Les diatomées fixent la silice afin de fabriquer leurs coquilles de verre, aussi appelées frustules. Ainsi, l’étude de la concentration de la silice biogénique permet d’obtenir un indicateur de la biomasse des diatomées dans la colonne d’eau (figure 3). Quand les cellules vieillissent, elles s’agrègent et se font consommer par le zooplancton, l’export a alors lieu grâce à la sédimentation des phytoagrégats ainsi que grâce à l’émission de pelotes.



Figure 3 : Schéma de la distribution spatiale de la silice biogénique.

Afin d’observer la quantité et la distribution des agrégats, un outil pouvant s’attacher à la rosette (instrument phare de l’océanographie, voir ici pour plus de détails) est utilisé : l’Underwater Vision Profiler 5 (UVP5). Celui-ci prend des images à haute résolution de chaque objet passant devant la caméra, de la surface jusqu’au fond. Ces images sont ensuite triées grâce à un algorithme, permettant une étude qualitative et quantitative des taxons zooplanctoniques présent ainsi que des particules détritiques le long d’un profil vertical.

Les données zooplanctoniques obtenues par l’UVP5 nous informent sur la structure de la communauté (biomasses, groupes fonctionnels). On peut observer les changements de communautés de zooplancton au cours du bloom, ainsi qu’avec la profondeur. De plus, grâce à l’imagerie, il est possible de voir l’interaction entre les copépodes et les agrégats permettant d’étudier les processus de formation d’agrégats et de distribution des copépodes (figure 4).

Figure 4 : Abondance des copépodes et des agrégats en fonction du temps. Des valeurs importantes d’abondance en copepodes (>500ind/m3) et en aggregats (5000 agg/m3) sont observées 5 jours et 20 jours après la fonte de la glace de mer.

Dans ses futures recherches, Jordan souhaite d’abord estimer la biomasse totale, et ensuite, à partir de celle-ci, modéliser le taux de respiration et de production de CO2.

Bibliographie :

Lafond, A., Leblanc, K., Quéguiner, B., Moriceau, B., Leynaert, A., Cornet, V., … & Tremblay, J. É. (2019). Late spring bloom development of pelagic diatoms in Baffin Bay. Elementa: Science of the Anthropocene7.

Toullec, J., Moriceau, B., Vincent, D., Guidi, L., Lafond, A., & Babin, M. (2021). Processes controlling aggregate formation and distribution during the Arctic phytoplankton spring bloom in Baffin Bay. Elem Sci Anth9(1), 00001.


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